Alors que beaucoup d’observateurs pensaient que le concept était mort, voilà que la location d’applications à travers l’Internet connait un regain d’activité et de faveur… voyons pourquoi.
Il y a quelques années, un nouveau concept était à la mode : les ASP.
Les ASP proposent de vous louer des applications accessibles à travers l’Internet via une simple interface Web plutôt que de vous vendre une licence d’usage d’un logiciel à installer sur vos serveurs… En théorie, c’est super mais en pratique, il s’est trouvé que les clients étaient moins chauds que prévu pour plonger !
Au moment où les ASP étaient à la mode (1997/1998), on a entendu de spectaculaires discours d’engagements dans cette voie de grands acteurs comme Oracle et SAP. Oracle en particulier s’attendait à enregistrer des milliers de clients pour son offre en la matière mais est resté loin du compte les premières années.
Comment expliquer cette réticence du marché ?
Pour deux raisons : d’abord ce modèle exigeait une rupture trop franche pour les clients, ensuite les relais habituels du monde de l’informatique (les intégrateurs, les prestataires de services) n’ont pas embrayé…
Il faut comprendre les utilisateurs : ils ont développé en interne leurs applications pendant des années et là, on leur propose de laisser tomber complètement la maîtrise technique (qu’ils avaient bien du mal à assurer, il est vrai…). La rupture proposée était un peu trop radicale pour que l’adhésion soit immédiate, franche et massive. Le modèle des ASP présentait un contexte bien trop favorable pour les grands éditeurs : récurrence assurée, verrouillage automatique, évolution dirigée, etc. Mais les prestataires de services qui sont des relais obligés du marché n’avaient aucun intérêt à pousser vers une démarche qui n’est favorable qu’aux éditeurs.
Une mode de courte durée et une descente aux enfers sanglante…
La réticence de la cible et des relais et l’éclatement de la bulle Internet a précipité le déclin des ASP et, pratiquement du jour au lendemain, le concept qui était « in » est devenu complétement « out » et ses promoteurs des « has been ». La purge du marché a été sévère et de nombreux acteurs qui s’étaient lançés sur ce marché ont été balayés rapidement.
Comme d’habitude, on a oublié de donner du temps au temps et qu’il ne faut pas être pressé avant qu’un concept novateur (surtout quand il propose une rupture avec l’existant) trouve sa place sur le marché. Les retours sur investissement sont longs dans ce cadre mais notre histoire récente n’était vraiment pas propice à la patience…
Une évolution plus silencieuse mais plus solide
Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé qui peut de nouveau relancer les ASP ?
L’émergence des web services, encore eux !
Oui, les web services vont contribuer à rendre la démarche ASP plus séduisante qu’il y a quelques années sur deux plans essentiels : intégration et interaction.
La démarche d’adopter une application louée sur le Net renvoit à la question de l’intégration avec le reste du système d’informations. Les avantages d’un déploiement facile et d’un coût maitrisé (deux des principaux arguments en faveur des ASP) peuvent être partiellement ou totalement annulés par la nécessité d’une double saisie et/ou d’une gestion de la cohérence des données (propagation des transactions, etc.). Les web services proposent un moyen de garder le lien entre les différentes applications du système d’informations qu’elles soient hébergées chez un prestataires ou qu’elles soient encore sur vos serveur (avec des limites, voir à ce propos la chronique précédente sur les ESB…).
Cette question de l’intégration distante se pose dans tous les cas : que ce soit avec ce qu’il vous reste de votre système d’informations mais aussi avec ceux de vos partenaires… et là aussi les web services peuvent être utile (même si ce n’est pas encore une réponse « parfaite et totale » comme on voudrait qu’elle soit…).
Mais les web services ne vont pas seulement apporter une réponse (même si elle est partielle) à la question de l’intégration, ils vont aussi permettre une utilisation à « géométrie variable » des applications proposées par les prestataires spécialisés. En effet, l’éditeur qui propose l’accès aux processus encapsulés dans son application via une collection de web services (dans ce cas, cette possibilité va souvent être présenté sous l’appelation « API XML ») permet ainsi une utilisation à différents niveaux :
– tel quelle en passant par l’interface web proposée en standard,
– uniquement via des appels de processus grâce aux web services,
– un mixte des deux approches.
L’appel de processus via les web services permettra aussi de redéfinir complétement l’interface utilisateur si celle proposée en standard ne vous convient pas, une sorte de revamping !
Ou encore, d’intégrer les processus du prestataire au sein de vos propres applications, de votre propre site web pour en élargir le champ d’actions. Il ne s’agit pas seulement de possibilités hypothétiques mais de mises en oeuvres concrètes qui sont déjà disponibles aujourd’hui : Dorado et Intacct offrent l’accès à leurs applications de gestion financière via les web services dès maintenant (et il y a beaucoup d’autre exemples dans d’autres domaines comme LinkUall pour les applications collaboratives ou Oryanoo pour les extranet).
Un autre élément est sans doute aussi en faveur d’un rebond des ASP : le temps. En effet, depuis que l’effet de mode est retombé, le tri a été fait entre les vendeurs et les solutions : les moins sérieux, les moins solides et les moins motivés ont laissé la place pour de vrais spécialistes qui ont pris le temps de soigner leurs offres.
Aujourd’hui, on constate que les sites spécialisés dans les annuaires d’ASP montrent une offre riche et consistante : les prestataires sont nombreux et presque tous les domaines sont couverts.
De plus, toute l’industrie informatique sait bien que le marché clé du jour, c’est celui des PME. Les grands comptes sont toujours importants pour les retombées qu’ils apportent mais il s’agit d’un marché saturé où la croissance ne peut être que faible désormais. Donc, tous les grands acteurs font le forcing en direction de ces entreprises petites et moyennes qui ne sont rarement encombrées par un existant trop difficile à supplanter ou à intégrer. Pour Oracle, SAP et même Microsoft, il s’agit de l’enjeu prioritaire du moment.
Or, pour les PME, le mot-clé se résume à « faciliter d’usage » qu’on peut décliner en faciliter d’utilisation, facilité d’accès et aussi et surtout, facilité de mise en place. Pour ce type de contraintes, la démarche ASP apparait comme évidente. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’investissement d’Oracle dans NetLedger qui est devenu le distributeur exclusif de son offre Oracle Small Business Suite.
D’ailleurs, les premières vraies succes stories ne viennent pas du monde des grands éditeurs (c’est même le contraire, des acteurs proéminents comme Siebel ou PeopleSoft ont plutôt fait machine arrière après avoir eux aussi lancé des initiatives dans ce domaine) mais plutôt de nouveaux entrants uniquement dédiés à ce crénau comme Salesforce.com dans le domaine de l’automatisation des forces de ventes (SFA ou Sales Forces Automation, un approche plus modeste et plus efficace que les grands projets CRM-attrappent-tout…).
Enfin, le dernier élément favorable à ce tournant vient des relais eux-mêmes. Avec la prise en compte des web services par les ASP, les consultants et les intégrateurs sont de nouveau de la partie pour mettre en place ce type de solutions. Au lieu de représenter un frein au décollage des ASP, les relais pourront désormais participer.
Pris individuellement, tous ces éléments sont insuffisants pour justifier un renouveau de la tendance ASP. Mais, mis bout-à-bout, ils redéfinissent le caractère compétitif de cette offre. Peut-être n’en entendez-vous pas d’écho dans la presse informatique mais, sur le marché américain les ASP gagnent du terrain et, comme disent les locaux « the writing is on the wall » (« c’est écrit sur le mur » ou « l’inscription est sur le mur » qu’il faut comprendre comme « c’est une évidence »).