On dit souvent que la Chine est LE marché à conquérir. Imaginez : un milliard d’acheteurs potentiels dans un pays en plein développement ! Avant de décider une implantation sur ce marché, plusieurs facteurs techniques, légaux et financiers sont à considérer.
Le « Great Firewall » et ses implications
Depuis 2008, et l’achèvement du projet Bouclier Doré (le nom officiel du « Great Firewall »), tout le trafic Internet en Chine continentale est contrôlé et filtré. De plus, tout contenu ne respectant pas les lois chinoises peut être bloqué. On peut ainsi citer Google qui n’est accessible à partir de la Chine continentale que par son adresse google.cn, adresse menant à une version du moteur respectant les lois chinoises, les autres « versions » de Google étant bloquées à partir de la Chine continentale.
Filtrages de site
Parmi les techniques de blocage utilisées, trois se distinguent :
- Le blocage par adresse IP : l’adresse IP du serveur hébergeant le site incriminé peut être bloquée. Tout appel à une page hébergée sur cette adresse sera refusé ;
- Le blocage par filtrage d’URL : toutes les adresses appelées sont filtrées et si un mot-clé présent dans une liste définie par l’autorité de surveillance est détecté dans l’url, l’accès à la page sera refusé ;
- L’empoisonnement DNS : technique qui consiste à remplacer les informations fournies par les serveurs DNS originaux d’un site par d’autres informations (voir Empoisonnement du cache DNS sur Wikipédia pour plus d’informations).
Performances, qualité de service et temps de réponse
L’accès à un service au travers du Great Firewall est fortement pénalisé en termes de performances. En complément des analyses sur les adresses URL et des contrôles par adresse IP, des injections de code de suivi spécifique ont déjà été effectuées dans les pages affichées à l’utilisateur. Cela peut entraîner un dysfonctionnement des scripts, voire des erreurs empêchant le bon affichage. De plus, les interconnexions entre la Chine continentale et le reste du monde sont peu nombreuses ; ce qui, couplé avec le passage obligé par le Great Firewall, cause une latence importante. Le maillage de réseaux de communications est corrélé aux centres de population du pays : par exemple, des régions comme le Xinjiang ou le Qinghai, à l’ouest du pays et peu peuplées, ne sont couvertes que le long des grands axes de circulation et au sein des grandes villes tandis que les régions de Pékin ou Shanghai, à l’est et densément peuplées, possèdent de très bonnes infrastructures. ![](http://blog.clever-age.com/wp-content/uploads/2014/00/jpg/nationalfiber_full.jpg) Carte des lignes fibres en Chine, source : CTAmerica Ce déséquilibre couplé à la latence ajoutée par le Great Firewall peut très fortement pénaliser l’expérience vécue par un internaute chinois et lui faire quitter le service. Afin de parer à ces limitations et contraintes, il faut pouvoir délivrer le contenu au plus près des utilisateurs. La solution de faire héberger son application sur un serveur géographiquement situé en Chine et/ou via un Content Delivery Network (CDN) ayant une présence locale est à envisager avec les contraintes associées. Il est même fortement recommandé d’avoir recours aux deux solutions en simultané, tant le territoire à couvrir est vaste.
L’obligation de licence ICP
Pour pouvoir opérer un service (que ce soit en hébergement direct ou via un CDN) sur le sol chinois, il faut disposer d’une licence dite ICP (Internet Content Provider). Cette licence est obligatoire pour tout opérateur de service sous son propre nom de domaine. Elle est accordée par l’administration chinoise régionale sous plusieurs conditions dont :
- Implantation locale : la société offrant le service doit posséder une implantation physique en Chine continentale. Un employé chinois de cette implantation sera le représentant auprès de l’administration.
- Extensions de domaines spécifiques : les extensions de noms de domaine des services opérés doivent obligatoirement être « com, » « cn, » ou « com.cn ».
La licence ICP est accordée relativement facilement, mais son obtention peut être plus ou moins rapide en fonction du niveau de coopération de la région concernée. Dans le cadre d’une implantation via un CDN, celui-ci doit aussi disposer d’une licence ICP pour proposer une présence réelle en Chine continentale.
Mise en service et coûts associés
Hébergement direct sur le sol chinois
Un certain nombre de sociétés, agréées par le gouvernement chinois, permettent à un acteur étranger d’héberger son site ou ses machines dans leurs , ChinaCache ou SinoHosting par exemple. Les prestations offertes par les hébergeurs chinois sont comparables à celles offertes par les prestataires européens. Il faut cependant faire attention aux tarifs qui sont supérieurs à ceux pratiqués dans le reste du monde. Par exemple, pour un serveur d’entrée de gamme chez OVH à 81€ par mois, il faudra compter 132€ par mois chez SinoHosting pour une puissance deux fois moindre. Le déploiement d’une plate-forme importante avec plusieurs serveurs peut donc revenir rapidement cher. Il est à noter que les démarches pour acquérir un hébergement ne peuvent être finalisées qu’après l’obtention d’une licence ICP. Sans cette dernière, la finalisation des négociations sera mise en attente le temps d’obtenir cette licence. Enfin, le piratage n’est pas une fiction et les sociétés étrangères implantées sur le territoire chinois sont régulièrement la cible d’attaques et de tentatives de récupération de données. Il faut donc être très attentif à la sécurisation tant des données que des flux avec les systèmes d’information hors de Chine.
Diffusion via des Content Delivery Network
La mise en service technique d’un CDN à destination de la Chine continentale suit les mêmes règles et contraintes qu’une mise en service sur le reste du monde. Les opérateurs de CDN proposent l’utilisation de leurs Points de Présence (POP, Point of Presence) à leurs clients. Ces POP sont matérialisés par des accords avec des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) pour installer des serveurs dans les armoires et salles informatiques au plus près des clients finaux. Ainsi un utilisateur appelant un service opéré via un CDN obtiendra une réponse de la part d’un serveur situé physiquement plus près de lui que le serveur original. Les temps de réponse sont donc fortement réduits, en moyenne de 60-70 %. Cependant, le coût de mise en oeuvre par un opérateur de CDN d’un Point de Présence (POP : Point of Presence) étant supérieur en Chine par rapport au reste du monde, celui-ci est répercuté sur le client final. Il s’agit souvent d’un montant forfaitaire d’environ 1500€ mensuels.
Les solutions alternatives
Des solutions alternatives à l’implantation en Chine continentale existent. Un grand nombre d’hébergeurs possède des datacenters à Hong Kong ou Taiwan, les opérateurs CDN sont aussi présents avec des POP de grande capacité. De plus, certains CDN proposent des offres comprenant des POP géographiquement répartis autour des frontières chinoises (Russie, Afghanistan ou Pakistan par exemple). Cela permet de réduire la latence et de garder un certain niveau de performances en proposant un service relativement proche des utilisateurs finaux. Ces solutions sont cependant toutes soumises au filtrage (et donc à un risque de blocage) et la « conversion » vers un service opéré en Chine continentale est plus difficile voire impossible.
Les opérateurs de CDN présents sur le territoire chinois
Les opérateurs de CDN chinois tels que ChinaCache ou ChinaNetCenter possèdent chacun plus de 100 POP sur le territoire. Cependant, leur implantation dans le reste du monde est beaucoup plus réduite, ChinaCache ayant cependant une implantation en Amérique du Nord. Des opérateurs internationaux tels que CDNetworks (25 POP) ou EdgeCast (10 POP) sont aussi présents et permettent de couvrir le territoire chinois en complément d’une couverture internationale. Il convient donc de bien définir sa stratégie de développement à destination de la Chine selon le type de service à fournir et les budgets prévus. Une implantation sur le territoire chinois est une quasi obligation pour un service e-commerce mais nécessitera, en hébergement local ou par l’intermédiaire d’un CDN, une préparation importante en amont et le recours à un prestataire de service local. Cependant, un tel investissement garantira une disponibilité du service équivalente au reste du monde. Si vous utilisez déjà les services d’un opérateur CDN ayant une présence en Chine et voulez vous développer sur ce marché, le surcoût moyen de 1500€ par mois environ (sous réserve de l’obtention de la licence ICP et d’une utilisation raisonnée de bande passante) peut se justifier selon que les systèmes de votre opérateur ne nécessitent pas de reconfiguration pour délivrer vos ressources à l’utilisateur final.
Société à dubai
8 février 2016
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