Adobe a annoncé hier le rachat d’un des acteurs emblématiques du e-commerce : Magento. La somme de 1,68 milliards de dollars a été révélée mais sera sûrement réajustée par la suite. En tout cas une belle plus value pour le fond Permira qui avait racheté la boutique en 2015, 925 Millions $ (Magento + produits eBay Enterprise) à eBay.
Ce rachat devrait permettre de redonner une direction stratégique plus lisible à Magento, qui a longtemps souffert d’un actionnariat mouvant peu favorable à relever les défis que posent l’omnicanalité et l’indispensable découpage en briques (PIM, RCU, approche headless, OMS, …) des approches monolithiques qui ont prévalues dans le passé. C’est aussi l’occasion de stopper les errements sur la bascule timide de l’offre sur le cloud (partenariat Platform.sh, offre cloud Acquia, …). Sur ces points, c’est une excellente nouvelle pour Magento. Restera le défi de faire cohabiter des cultures très différentes et un réseau d’intégrateurs souvent militant de l’Open Source.
Côté Adobe, il était temps … ! A ne pas bouger, Adobe s’était enfermé dans un rôle de second plan et a pris un retard significatif sur les incontournables du SI digital (face à SAP, Oracle et Salesforce). Le dernier achat structurant fut celui de la plateforme de gestion de campagnes Neolane et date de 2013. La base installée Neolane a clairement aidé Adobe à leader le pack dans la course sur la Customer eXperience Management. Cette intégration a contribué à ce qu’Adobe reste un des éditeurs préférés des directions marketing. MAIS, le revers de la médaille a été pour Adobe de rester dans le silo Marketing Digital. Adobe a très peu anticipé la digitalisation totale des entreprises. Cette transformation digitale s’appuyant sur un modèle en 3 couches :
- des applications front “point de contacts” …
- connectées à des services transversaux (souvent headless) s’appuyant sur …
- des référentiels (PIM, RCU voire MDM) favorisant une bonne centralisation de la donnée et une gouvernance performante
Ce rachat de Magento, acteur de référence présent en B2C et B2B sur les 2 premières couches avec une belle base installée (ainsi que l’investissement sur une brique de customer data platform, pilier de la 3ème couche) repositionne Adobe en 1ère division.
En première réaction, je vois de nombreux gagnants dans ce rachat :
- Les clients en recherche d’un acteur global (e-Commerce, Marketing Campaign et le clan des 3 lettres : RCU, OMS, CMS, DAM, PIM, …) qui auront une alternative à SAP, Oracle et Salesforce
- Les spécialistes (Proximis, Oro, Solusquare, Spryker, Commerce Tools, …) qui bénéficieront de l’appel d’air de re-platforming Magento 1 “best of breed”
- Le fonds Permira (tout de même +90 % en moins de 4 ans)
- Les intégrateurs couvrant toute la chaîne de l’omnicanal (suivez mon regard ;-) )
Et quelques perdants :
- Les acteurs globaux qui voient revenir un concurrent sur leurs terres … Particulièrement pour Salesforce qui va souffrir de la comparaison avec Adobe auprès des directions marketing digitales
- Les éditeurs de taille réduites qui avaient construit des partenariats avec Magento (Platform.sh, par exemple)
- Les intégrateurs Open Source dont le discours est de plus en plus hors du temps
- Les rares clients qui ont suivi l’extension de l’offre Magento sur la Business Intelligence, l’offre Cloud Magento et qui devront à terme migrer
Enfin et pour la postérité, on se souviendra que cette union a lieu 3 jours après le mariage royal de Meghan et du prince Harry. De bon augure ?