La seconde édition d’A11y Paris a eu lieu le 18 avril 2019 au centre de conférences de Microsoft France, à Issy-les-Moulineaux. Comme son nom l’indique (ou pas) il s’agit d’une conférence d’une demi-journée, gratuite, dédiée à l’accessibilité numérique.
Petit aparté, a11y est un numéronyme. Le 11 correspond aux 11 lettres entre le A et le Y du mot accessibility. Ce numéronyme couramment utilisé dans le milieu de l’accessibilité fait d’ailleurs débat (avis contre le #a11y / avis pour le #a11y) puisqu’il n’est pas forcément compréhensible pour une personne extérieure à ce milieu.
En attendant les vidéos officielles avec sous-titrage vous pouvez voir ou revoir les conférences sur le flux en direct.
Présentation des évolutions du RGAA
Conférencière : Bénédicte Roullier
Une conférence très intéressante mais très dense. On retiendra notamment les informations suivantes :
- les entreprises privées dont le chiffre d’affaire est d’au moins 250 millions d’euros seront désormais soumis à l’obligation du respect du RGAA ;
- la sanction en cas de non conformité au RGAA est ridiculement basse puisqu’elle est de 20 000 € par an, soit le budget touillettes d’une entreprise ayant un chiffre d’affaire de 250 millions d’euros ;
- le Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations devient le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité ;
- la nouvelle version du RGAA se basera sur les WCAG 2.1 ;
- le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) a prononcé deux avis défavorables : l’un concernant le décret et l’autre concernant l’arrêté. Ces avis défavorables se basent sur les trois points suivants :
- le concept de “charge disproportionnée” qui permet de se dédouaner de l’accessibilité si la mise en œuvre est considérée comme trop coûteuse. Il s’agit d’une autoroute pour continuer à avoir des exemptions ;
- un système de sanction jugé inopérationnel ;
- une absence de pilotage du dispositif politique et juridique.
Table ronde : les impacts de l’inaccessibilité
Participant·e·s : Valentin Tonti Bernard, William Desmas, Pierre Reynaud, Emmanuelle Aboaf, Joël Betton
Animation de la table ronde : Denis Boulay
Cette table ronde a été l’occasion de pointer du doigt les impacts de l’inaccessibilité. Sans surprise il reste encore beaucoup de progrès à faire. Quelques exemples de témoignages très instructifs :
- William qui a dû abandonner son projet de faire une licence en mathématique car les outils n’étaient pas adaptés ;
- Valentin à qui l’administration a refusé l’aménagement d’une épreuve du concours d’avocat ;
- Les participants ayant une déficience visuelle qui ont souvent dû faire appel à la bienveillance de leurs camarades pour prendre des notes ou pour expliquer ce que voulait dire le professeur par “ici et là” en pointant quelque chose au tableau ;
- Emmanuelle qui n’a pas pu suivre certains cours en ligne car le sous-titrage n’était pas présent ;
- Joël, kinésithérapeute, qui évoque le cas de ses collègues qui ne peuvent plus utiliser le logiciel métier car une mise à jour a introduit des régressions en accessibilité ;
- Pierre, en synthèse, évoque la nécessité en France de reproduire le dispositif aux États-Unis des “class actions” car c’est souvent un levier qui parle aux décideurs.
Table ronde : l’accessibilité numérique dans les formations web
Participant·e·s : David Monnehay, Alexia Moity, Elie Sloïm, Bruno Faure
Animation de la table ronde : Arnaud Delafosse
Le constat n’est pas nouveau et il est malheureusement décevant : l’accessibilité numérique est très peu présente dans les formations Web. Il y a bien sûr quelques exceptions avec des écoles privées qui l’intègrent dans leurs cursus. Mais ce n’est pas le cas de toutes les écoles privées et dans le secteur public ça reste encore rare.
Opquast avec son partenariat dans plus d’une centaine d’écoles permet d’aborder le sujet de l’accessibilité. Ce n’est qu’une première étape et cela ne permet pas de couvrir tout le sujet de l’accessibilité, mais cela a au moins le mérite d’exister. Il faudrait d’ailleurs qu’Opquast réussisse la même percée dans le secteur public que dans le secteur privé, cela serait un bon en avant considérable.
Il y a aussi une question sur la rémunération des formateurs. Les formateurs à l’accessibilité ne sont pas légion et ils sont généralement en poste chez des clients avec des taux journaliers moyens (TJM) relativement confortables. Former une ou deux journées dans une école c’est rarement intéressant financièrement pour l’employeur du formateur. C’est pour ça que souvent c’est fait à l’initiative du formateur sur du temps personnel (congé ou réduction du temps de travail). Alors oui lorsqu’on intervient dans une école c’est avant tout par envie de transmettre un savoir et non par cupidité mais si certaines écoles pouvaient rehausser le TJM des formateurs ça permettrait peut-être de combler en partie cette pénurie.
L’autre point évoqué concerne la manière d’aborder le sujet de l’accessibilité numérique. Il faut éviter le plus possible l’aspect checklist qui peut déshumaniser le sujet. Il est bon de rappeler l’impact utilisateur et expliquer pourquoi et pour qui on fait ça. L’idéal étant d’avoir une personne en situation de handicap qui vient expliquer comment elle navigue sur le Web à l’aide des technologies d’assistances. C’est souvent bien plus percutant qu’un long discours, une slide ou une vidéo.
Conférence sur l’accessibilité et les bénéfices induits
Conférencière : Armony Altinier
Un sujet polémique qui fait couler beaucoup d’encre dans le microcosme des professionnels de l’accessibilité c’est “les bénéfices induits”. A-t-on le droit de les évoquer ou non ?
Armony rappelle à juste titre qu’en 2019 nous sommes toujours obligés de convaincre des clients à faire de l’accessibilité. Même s’il y a des obligations légales, même s’il y a des sanctions juridiques et financières, il faut malheureusement toujours convaincre. Il est important de garder en tête que l’accessibilité concerne avant tout les personnes en situation de handicap. Mais on sait très bien que certaines améliorations vont bénéficier à un plus grand nombre. Sans occulter la première cible concernée, pourquoi est-ce qu’il serait interdit d’en parler ?
Quelques cas d’usages des bénéfices induits de l’accessibilité :
- sous-tirage : utile en environnement bruyant ou quand on doit être silencieux ;
- liens, boutons et contrôles larges : utile en situation de mobilité ;
- texte compréhensibles et information structurée : utile pour les personnes ne maîtrisant pas la langue ;
- etc.
Une très belle conclusion “humilité et convivialité”. Comme l’évoque Armony, il n’y a pas d’argumentaire magique pour convaincre à l’accessibilité sinon depuis le temps ça se saurait. Tous les arguments sont bons à prendre du moment qu’on garde en tête la cible concernée en premier lieu : les personnes en situation de handicap.
Table ronde : Choisir son prestataire pour réussir son accessibilité
Participant·e·s : Anne Cavalier, Estelle Renaud, Élise Caudeville
Animation de la table ronde : Stéphane Deschamps
Cette belle après-midi se clôture avec une table ronde sur le choix d’un prestataire pour réussir un projet accessible. C’est un secret pour personne, la plupart des prestataires indiquent qu’ils maîtrisent l’accessibilité et les “ouécague / accessioueb niveau bronze AA”. Sauf qu’avant de choisir le bon prestataire il est important d’avoir le bon commanditaire : à savoir une personne qui connaît l’accessibilité. C’est un peu comme si vous deviez recruter une personne bilingue anglais alors que votre propre niveau se résume à demander si un certain Bryan se trouve dans la cuisine. Ça n’a pas de sens.
C’est justement le cas d’Anne, Estelle et Élise qui ont une bonne connaissance de l’accessibilité et qui sont donc en mesure de pouvoir juger de la pertinence d’un prestataire. Elles soulignent l’importance de mettre en place des vérifications à chaque étape du projet (prototypage, design, développement, contribution etc) et surtout d’insister sur l’engagement du prestataire à fournir des livrables conformes aux règles d’accessibilité. Il faut absolument que cet engagement soit contractuel afin qu’en cas de défaut le prestataire prenne à sa charge les corrections.